LES VERTUS THEOLOGALES

Saint Thomas d’Aquin dit:

« La vertu est, dans l'être parfait, la disposition au meilleur, mais j'entends par l'être parfait celui qui est dans les bonnes dispositions de sa nature »

Or ce qui est divin est au-dessus de la nature de l'homme. Les vertus théologales ne sont donc pas des vertus de l'homme. Les vertus théologales sont pour ainsi dire des vertus divines. Mais les vertus divines sont celles que nous appelons exemplaires. Ce n'est pas en nous qu'elles existent, c'est en Dieu. Etant donné que nous avons une parcelle divine dans notre âme depuis le commencement, les vertus existent en nous à l’état latent.

Les vertus théologales, qui sont au nombre de trois – la Foi, l’Espérance, la Charité – invitent l’homme à vivre pour Dieu, avec Dieu, en Dieu. Ces vertus sont innées en l’homme pour lui permettre de mériter par ses pensées, ses paroles, et ses actes, l’accès à la vie éternelle. Elles représentent donc l’expression du Divin en nous.

Si les hommes classifient les vices et les vertus selon différents ordres, la religion semble prendre le pas sur les considérations humaines. Le christianisme considère que depuis très longtemps l'orgueil est le plus grand péché du monde. Il est le péché par lequel Satan devient le symbole du mal.

L'orgueil, selon Chateaubriand (le génie du christianisme -Tome 1) se trouve mêlé aux diverses infirmités de l’âme ; il brille dans le sourire de l'envie, il éclate dans les débauches de la volupté et de la luxure, il compte l’or de l'avarice, il étincelle dans les yeux de la colère, et suit les grâces de la mollesse. L'orgueil fit chuter Adam (ce dernier voulu se faire l’égal de Dieu). Il fit tuer Abel par son frère. Ce même vice d'orgueil contribua à élever la tour de Babel comme il continue à le faire à notre époque (nous connaissons la fin de Babel...). Il détruisit l'empire d'Alexandre et écrasa Rome sous ses pieds.

Le vice d'orgueil continue toujours ses ravages parmi les êtres en ce sens que la plupart des hommes manquent d’humilité pour parvenir à s'élever au-dessus des injustices du sort et tentent de justifier leur pseudo-malheur par leurs blasphèmes et leur athéisme.

Le christianisme a classé les vices et les vertus selon un ordre rigoureux mais plein de bon sens. Valentin Bresle cite une correspondance entre les sacrements mineurs et majeurs et les vertus théologales et Cardinales.

Ce classement correspond à un classement septénaire :
Baptême Foi
Confirmation Espérance
Eucharistie Charité
Pénitence Prudence
Extrême-onction Justice
Ordre Force
Mariage Tempérance.

Les vertus théologales invitent l'homme à vivre pour Dieu, avec Dieu, en Dieu. Selon Saint Paul, (tirés du premier épître de Saint-Paul aux corinthiens), il existe trois vertus théologales la foi, l'espérance, la charité,: « maintenant donc, dit-il, ces trois-là demeurent, la foi (pistis), l'espérance (helpis) et la charité (amour, agape), mais c’est l'amour qui est le plus grand ».

Ces vertus sont innées en chaque être humain pour leur permettre de mériter par leurs paroles, leurs pensées et leurs actes, la vie éternelle. Elles sont manifestes en l'homme grâce à l'action du Saint Esprit. De toutes les vertus, ce sont les vertus théologales qui sont les plus parfaites car elles lient l'homme à Dieu et Dieu à l'homme. Elles représentent une communion perpétuelle entre le monde humain et le monde divin.

Saint-Paul dit : « la foi n'aura plus cours à la fin des temps. Tel ne sera plus nécessaire pour constater l'existence de Dieu qui sera révélé aux hommes. L'espérance également ne sera plus de mise car il n'y aura plus rien à espérer, tout sera accompli ».

Platon disait que la vertu est la science du bien alors que le vice en est l'ignorance. Si tout un chacun y mettait de la bonne volonté, nous serions en mesure de changer le monde car pour le changer nous devons individuellement d’abord, puis collectivement ensuite, avancer vers les préceptes christiques qui nous sont communiqués et enseignés en ce sens.

Première vertu théologale, la Foi :

Avoir la foi, comme le « baillaient » haut et fort les chevaliers du Moyen Âge, c'était être capable de réaliser tous les prodiges de l'honneur avec pour seul compagnon et seul ange gardien le Christ lui-même. Tous les héros antiques qui clamèrent leur foi en Dieu réalisèrent de très grandes choses. Ils surpassèrent leur état d'humain par la force de leur foi en Dieu.
Point besoin d'armes matérielles pour combattre les ennemis de Dieu, les tyrans, ou les suppôts de Satan. La foi dans toute sa splendeur fait rutiler le fil de son épée contre l'ennemi de Dieu. Quelle terrible force que celle prodiguée par la foi en Dieu, mais quelle force dévastatrice que celle engendrée par un cheminement sans la présence du Divin Créateur de toutes choses.

L'expression de la foi n'est grandiose que parce que celle-ci retourne vers sa source, Dieu. Ceux qui croient en un Dieu dispensateur et vengeur sont dans l'ignorance car Dieu n'est qu’Amour. Il éduque, il protège, il aime, mais encore, faut-il ressentir toute la sensibilité de sa manifestation pour comprendre sa Passion pour le genre humain.

Chateaubriand cite :

« foi céleste, foi consolatrice, tu fais plus que de déplacer des montagnes, tu soulages du poids accablant qui pèse sur le cœur de l'homme ».

Difficile à expliquer, la foi émane de Dieu, de l'extérieur de nous-mêmes, et c'est comme un appel que chacun entend selon sa disposition d’âme, sa sensibilité aux enseignements religieux. C’est un véritable don de Dieu. L'étymologie latine est « fides » qui signifie confiance, croyance. Se remettre à Dieu en toute confiance, croire en sa bonté, sa miséricorde, son amour pour les hommes, signifie avoir la foi.

Si la foi doit et peut s'entretenir par la prière et l'exemple, elle doit être partagée sous toutes les formes possibles car le salut n'a été, n’est et ne sera qu’en Dieu seul. Dans l'Ancien Testament, la foi est assimilée à la connaissance car le croyant connaît l'objet de sa foi. L'expérience vécue vient concrétiser la connaissance élémentaire du plan divin.

Dans le nouveau testament il est dit ; « celui qui croit peut réaliser des choses extraordinaires. La foi est la source du salut ».

Selon Saint-Paul, la foi traduit une adhésion totale aux enseignements christiques. La foi rattache l'homme à ses origines, à la création, à Dieu lui-même. Pour Saint-Jean, la foi c'est la croyance en la venue de Jésus, le fils de Dieu. Jésus est venu de Dieu pour enseigner les hommes. La foi apporte la vie et l'espérance. Elle est accessible à ceux qui sont aimés de Dieu. C'est le commandement nouveau qui symbolise le mieux ce qu'est la foi : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ».

Par la foi, notre intelligence adhère sans crainte avec une confiance aveugle à tout ce qui émane de Dieu. Dieu transmet aux hommes la possibilité de réintégrer le monde invisible mais divin dont la vie d'ici-bas n'est que le reflet inversé donc imparfait et ténébreux. Parmi les dons du Saint Esprit, c'est le don d'intelligence qui correspond à la vertu de la foi. Elle permet à l'esprit de l'homme de pénétrer le sens caché de la révélation traditionnelle jusqu'à l’ approcher suffisamment pour la comprendre. La foi correspond au vœu d'obéissance qui ouvre à l'intelligence de Dieu et de l'enseignement traditionnel.

La foi est un don de Dieu, c'est une grâce donnée par Dieu aux hommes. C'est une invitation à vivre près du créateur. Cette grâce est donnée lors des sacrements du baptême mais dépasse bien souvent la force du sacrement. La foi n'est pas un savoir mais une évidence, une vérité immuable.
C'est la foi qui pousse Abraham à partir vers l'inconnu. Avec Isaac et Jacob ils vont séjourner en terre promise sous des tentes. C'est également la foi qui fit concevoir Sarah malgré son âge avancé et c'est pour cette raison que naquirent d'un seul homme d'innombrables descendants. Ils moururent tous dans la foi, sans jamais avoir reçu en retour de promesse terrestre, mais ils étaient tous des voyageurs de passage sur cette terre, en quête d'une patrie qui se situe sur le plan divin, la terre promise qui est d'origine céleste.
C’est aussi par la puissance de sa foi qu'Abraham offre son fils en sacrifice, car Dieu, pensait-il, est capable de ressusciter les morts.

Seconde vertu théologale, l'Espérance :

Presque équivalente à la foi, l'espérance, ou le désir, est la mère de la puissance, car le désir intense permet d'obtenir : « Cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira ».

L'homme désireux ne cesse d'espérer jusqu'à ce qu'il obtienne les bonnes grâces de Dieu. Il s’égare et désespère de soulager les maux de son cœur s'il ne désire que satisfaire ses cinq sens plutôt que d'avoir un désir ardent de plaire à Dieu.
La différence importante qui existe entre la foi et l'espérance est que la première vertu théologale émane de l'extérieur de l’être alors que la seconde vertu émane de l'intérieur de l’être, de l’âme.
L'espérance nourrit les misères et les infortunes, comme une coupe d'abondance au bord de laquelle tout homme s'estimerait heureux de goûter un instant les délices d'une vie de bonheur. Il existe deux façons d'espérer, la première est d'entretenir l'espérance comme une chose acquise sur le plan temporel, la seconde est de pratiquer l'espérance en la considérant comme un rêve inaccessible.
Sans la foi cette vertu n'est pas accessible. En effet, c'est la foi qui donne le but à atteindre. Elle dirige nos espoirs d'accéder aux vérités éternelles. L'espérance nous permet de juger instinctivement les choses, les buts, les objets vers lesquels nous devons tendre pour comprendre ce qui dans le monde d'ici-bas est en harmonie avec les vérités d'ordre divin.

L'espérance correspond au vœu de chasteté qui permet à l'homme de s'affranchir de l'esclavage des sens tout en oeuvrant à la perpétuation de l'espèce humaine. Par celui-ci on peut obtenir le don de la science de Dieu.

L'espérance naît de l'espoir qui, lui, est d'origine humaine. Elle est vécue sous le regard de la foi, car elle est le salut, le bonheur, l'implication dans la gloire de Dieu. L'espérance se trouve définie dans le fait que ; quand bien même il n'y a plus de nourriture, plus de solution terrestre à un problème majeur, l’être exulte en Dieu son sauveur car il sait que Dieu ne l'abandonnera pas au contraire des hommes.
Si l'espoir se vit dans le psychisme ou le mental de l'homme, l'espérance se vit dans le cœur car l'espoir peut revêtir une part d'égoïsme alors que l'espérance est sans retenue, sans exigence car Dieu sait déjà ce dont nous avons besoin sur le plan terrestre, spirituel et divin.

Troisième vertu théologale, la charité :

On dit de la charité qu'elle est fille de Jésus-Christ car elle signifie grâce et joie. La charité contient en elle les notions d'amour, d'amitié, de pitié. Elle épure les êtres pour qu'ils s’aiment au nom de Dieu, à travers Dieu et pour Dieu. Vertu chrétienne émanée de l'éternel, la charité est en étroite relation avec la nature car elle conduit à l'harmonie du ciel et de la terre, de Dieu et des hommes.
Le christianisme trouve son épanouissement dans le cœur des hommes. Il a fait en sorte que la charité soit comme une oasis en plein désert pour les âmes en perdition.

Chateaubriand nous dit :

« la charité est patiente, elle est douce, elle ne cherche à surpasser personne, elle n’est point téméraire ni orgueilleuse. Elle n’est point ambitieuse, elle ne suit point ses intérêts, elle ne s'irrite point, elle ne pense pas au mal. Elle ne se réjouit point dans l'injustice mais se réjouit de la vérité. Elle tolère tout, croit tout, espère tout, souffre tout ».

Pour mettre en pratique et concrétiser, dans notre vie, les vertus de foi d'espérance et de charité, ne faut-t-il pas tout simplement, oserons-nous affirmer, mettre en stricte application le décalogue et à en respecter scrupuleusement les termes.

Les paroles reçues sur le Sinaï par Moïse ne ressemblent évidemment pas aux lois faites par les hommes. Émanées du principe de tout, elles traversent les siècles sans altération, elles résistent aux persécutions et aux corruptions des peuples. Si Jésus-Christ n’a pas toujours eu de temple matériel, il a néanmoins toujours occupé et demeuré dans le cœur des justes.

La charité est l'expression de l'amour des hommes envers leurs semblables mais également de Dieu envers les hommes. Les trois religions du livre en appliquent toujours le principe qui se traduit par l'aumône, prémices d'ascension près de Dieu.

La charité nous élève à une vie de communion intime avec les puissances célestes composant la hiérarchie angélique. La charité amène à une communion mystique avec le plan divin. Cette communion nous amènera au plus proche de Dieu, faisant de nous les objets et les acteurs de la réalisation de son plan divin. Pour devenir objet et acteur de ce plan, Dieu nous donne, au travers de son enseignement et par la venue de son fils Jésus-Christ, les moyens d'y parvenir.

Ces dispositions de l'esprit de l'homme sont déjà ancrées dans son esprit mais quelquefois il l’ignore. La charité ne découle que d'un amour total, le même amour que Dieu et ses hiérarchies célestes dispensent aux hommes. L'homme charitable veut faire pour Dieu ce que Dieu fait pour lui. La charité s'étend jusqu'à la miséricorde par laquelle on prend comme sienne toute la misère du monde au point d'en souffrir intimement. Elle vise à être bienfaitrice parce qu'elle lutte contre le mal pour faciliter le bien-être spirituel. C'est le don de sagesse qui correspond le mieux à cette vertu.

Cette sagesse procure à l'homme un jugement empreint d'intelligence. C'est la sagesse divine qui donne les mesures du jugement par l'intelligence. La charité correspond au vœu de pauvreté qui méprise les honneurs, les biens et les plaisirs du monde matériel d'ici-bas. Ces par le vœu de pauvreté que l'on obtient la sagesse.

Pour les vertus cardinales, c'est la prudence qui est la reine des vertus car elle met en juste équilibre les moyens et les fins nécessaires à son existence. Pour les vertus théologales la reine des vertus est la charité en tant que formation ou représentation de toutes, mais la plus grande demeure la foi. La charité qualifie l'action car sans la charité les actes ne valent rien aux yeux de Dieu. Les actes sans charité n'ont de valeur qu'aux yeux des hommes, mais la charité dans les actes mène à Dieu. La finalité de la charité est de manifester notre amour pour le genre humain et la création de Dieu. Elle oriente nos paroles, nos pensées, nos actes vers le monde divin avant même que ces derniers n'aient débuté.

Au contraire de la justice, la charité est synonyme de pardon. Nous voulons souvent que la justice concrétise nos espoirs, alors que la charité ne subit aucun espoir personnel mais uniquement les espérances en un Dieu miséricordieux. La charité doit orienter la mise en oeuvre de la justice, elle doit nourrir et qualifier la justice. Il importe que les hommes soient justes entre eux afin que la foi en Dieu soit communicative et effective. La charité porte à faire le bien à autrui, l'acte inspiré par l'amour de Dieu, tous les hommes étant des créatures de Dieu.
Un grand nombre d'instituts médicaux et d'hôpitaux portent le nom de « charité », nom tout à fait approprié puisqu'on y réalise des oeuvres de bienfaisance. La parabole du bon samaritain illustre assez bien ce que doit être la charité.

Commandement central du ministère du Christ, la charité mérite sa place parmi les vertus théologales ou vertus données par Dieu lui-même. L'acte de charité peut revêtir plusieurs aspects : le don en argent, le don en pensée, le don en générosité ou en intention. L'amour donné par Dieu aux hommes lui revient ainsi par toutes leurs bonnes actions. Tout ce que les charitables font pour les hommes c'est à Dieu lui-même qu'ils le font.

L'aumône, acte de charité, est le plus grand principe parmi les cinq piliers de l'islam. Nous conclurons par ce dicton qui prétend que « charité bien ordonnée commence toujours par soi-même ». C'est bien là une définition très précise de ce qu'est l'égoïsme, tout le contraire de la charité.

Conclusion :

Le premier être qui enseigna que la foi, l'espérance et la charité sont des vertus fut Jésus-Christ. Il démontra également que ces dernières sont compatibles avec l'ignorance et la misère humaine. Selon les enseignements christiques, la source des vertus réside dans la foi comme la magnificence ne réside que dans ce qui révèle une vérité pour l’âme. Faut-il encore croire et laisser la raison capter les sensibilités contenues dans les choses qui forment notre entourage matériel et spirituel. Les hommes qui ne croient en rien traitent les attachements de l’âme d'illusions.

Pour ces derniers ce qui est beau à un sens de folie, ce qui est tendre est synonyme de pitié. Ils ne feront jamais rien d'exceptionnellement bons et généreux car leur cœur est dénué de sensibilité. Leur foi au lieu d'être tournée vers Dieu est tournée vers la matière qui ne contient pas ni sensibilité ni chaleur.

C'est bien là tout le drame de notre époque contemporaine qui vénère plus l'argent que Dieu, plus les biens matériels que spirituels, et jette la foi et l’espérance uniquement dans le monde matérialiste. Ceux qui vénèrent le monde matérialiste et ses bienfaits vivent dans l'illusion. Ceux qui ont la foi en Dieu sont en Voie, en Vie et en Vérité.