LA PRIERE

Tous les psychologues, tous les sociologues et tous les historiens qui ont étudié le phénomène religieux soulignent dans leurs conclusions, l’importance de la prière dans la vie religieuse et dans l’évolution spirituelle ainsi que son universalité.

            Elle se compose :

1) – d’un état mental particulier caractérisé :

-          Par une croyance en un ordre supérieur (ordre divin)

-          Par un sentiment de dépendance à l’égard de cet ordre

-          Par l’amour ou  la crainte du divin

-          Par le sentiment de l’humilité de celui qui prie.

La réalisation de cet état est indispensable pour que la prière soit valable :

- Gandhi : « Il vaut mieux mettre son cœur dans la prière sans trouver des mots que de trouver des mots sans y mettre son cœur ».

- Proverbe Juif : « Celui qui s’acquitte de la prière comme d’une obligation onéreuse ne sera point exaucé par l’éternel ».

- Origène : « Il me semble que celui qui se dispose à prier doit se recueillir et se préparer quelque peu, pour être plus prompt, plus attentif à l’ensemble de sa prière. Il doit de même, chasser toutes les anxiétés et toutes les choses qui troublent sa pensée et s’efforcer de se souvenir de la grandeur de Dieu qu’il approche : songer qu’il est impie et se présenter à Lui, sans attention, sans effort, avec une sorte de sans gêne, rejeter enfin toues les pensées étrangères ».

2) – d’une attitude corporelle qui peut être :

-          Le salut islamique (courber le dos)

-          Le namas avestique (incliner le corps vers l’avant)

-          Le proschinéo hellénique (se plier en avant)

-          L’ischésia hellénique (les bras étendus et les mains ouvertes)

-          Les mudras védiques (les doigts formant des figures)

-          Les mains jointes.

En fait, on retient trois attitudes :

-          L’attitude debout exprimant la vigilance, l’activité, l’action de grâce, notre condition de ressuscité.

-          L’attitude assise qui exprime et facilite concentration, attention et contemplation

-          L’attitude à genoux qui exprime et facilite la prière privée, la pénitence, l’humilité, l’adoration.

3) – d’une respiration appropriée.

            Cette composante de la prière, aujourd’hui oubliée, était très importante dans l’église primitive et dans ce que l’on a appelé l’hésychasme.

4) – de la parole.

            Le texte de la prière peut être soit récité, soit psalmodié, soit chanté.

            Les sons mettent en œuvre un processus qui agit sur le psychisme.

            Ses objectifs sont :

-          Demander une protection, une aide, une faveur, une lumière, une grâce.

-          Remercier Dieu de ses bienfaits

-          Témoigner son humilité

-          Manifester sa soumission au Divin

-          Louer et glorifier Dieu

-          S’unir au Divin.

Ses formes :

-          La conjuration : formule qui se fonde sur la possibilité d’exercer une certaine contrainte sur la Divinité (mais en réalité, l’homme ne peut contraindre Dieu).

-          Le serment : promesse invoquant la garantie divine

-          Les mantras : formules incantatoires possédant un pouvoir magique du fait de leur caractère divin

-          Les danses sacrées (Inde – Chine – Japon – Derviches tourneurs)

-          Les pèlerinages

-          Les prières mentales

-          Les prières vocales ou orales

-          Les psaumes : chants récités ou chantés sans inflexion de voix sur un ton monotone

-          Les hymnes : chants sacrés exprimant des sentiments variés (joie-tristesse-amour).

-          La musique sacrée

-          Les offices religieux.

Sa formule la plus simple :

L’oraison la plus simple est l’invocation du Nom Divin. Elle permet :

-          La purification de l’âme

-          L’ouverture de l’être aux effluves divins

-          L’établissement de la paix dans l’être

-          La descente de la grâce divine

-          Une prise de conscience de l’absolu.

A ce type d’oraison appartiennent les prières des soufis, les mantras, la prière du nom de Jésus dans l’Hézychasme.

Le mode d’oraison qui consiste à invoquer le Divin pour demander une grâce, une faveur, possède une efficacité qui dépend d’une part, de la sincérité de celui qui prie et d’autre part, l’importance de l’aide spirituelle que peut lui apporter la collectivité dont il est membre (action de l’égrégore).

Dans son stade le plus élevé, l’oraison n’est plus une demande mais une aspiration de l’être vers Dieu dans le but d’obtenir l’illumination intérieure. Cette oraison s’extériorise par des paroles, par des gestes, par des attitudes qui déclenchent des vibrations agissant sur le psychisme. Nous sommes donc en présence d’un monologue intérieur entre l’âme et Dieu, d’une effusion de l’âme vers Dieu. L’homme reprend donc contact avec son Soi qui est divin (le corps divin – la présence – le Ayam) et comme le dit IBN ARABI : « C’est le même qui parle et qui écoute ». C’est dans cette forme d’oraison que se manifeste l’Amour divin (Viens en moi, te remercier Toi-même – HALLAJ).

1er stade, la prière individuelle

            La prière individuelle ou personnelle précède la prière liturgique. Il est en effet évident que le premier contact de l’homme avec Dieu réside dans l’intimité. C’est une inclination, un penchant de l’âme à demander et à glorifier. Saint Augustin définissait ce désir comme une soif inextinguible qui ne trouve son apaisement que dans la paix issue de la Source Divine. Cette prière individuelle n’est pas uniquement mentale car elle s’exprime tout naturellement par des gestes, par des attitudes par des paroles.

            Technique de la prière individuelle

1) – Où prier ?

 Origène : « Au sujet du lieu, il faut savoir que tout lieu est propice à la prière pour celui qui prie bien. Cependant on peut, pour s’acquitter de ses prières avec plus de tranquillité et moins de distraction, choisir dans sa maison un endroit déterminé, si la chose est possible. Il y a une grâce particulière et une utilité dans le lieu de prière, je veux dire le lieu de l’assemblée des fidèles ». (Traité de la prière – 223-240 après J.C.).

            On peut donc prier :

-          Dans un lieu cultuel (chapelles – églises – cathédrales – cryptes)

-          Dans son oratoire (« Pour toi, quant tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte et prie ton Père qui est là dans le secret, et ton Père qui voit dans le secret te le rendra ». Matthieu V.6). Cet oratoire (une pièce, un coin de pièce) sera considéré comme sacré et aucun travail profane ne devra s’y faire.

-          Dans n’importe quel lieu à défaut d’oratoire et de lieu cultuel ou par suite de l’impossibilité de s’y rendre soit en raison de son travail, d’un déplacement ou d’un problème de santé. Cependant nous recommandons de rechercher un lieu calme et solitaire.

2) – Quand prier ?

Un membre de notre Ordre doit prier :

-          Le matin (après la toilette et avant le petit déjeuner)

-          Le midi (angélus avant le repas)

-          Le soir (après la toilette et avant de se coucher)

-          Il peut aussi prier à 9h – 15h  - 18h et 21h (heure solaire) en récitant un Notre Père et un Je vous salue Marie. Nous recommandons aussi de prier dans les moments d’épreuves (pour demander le secours du Christ et de Notre Dame).

3) - Comment prier ?

            a) l’orientation.

-          Il est impératif de prier vers l’Orient. Les premiers chrétiens conformément aux usages traditionnels en honneur dans toutes les religions antiques, priaient la face tournée vers l’Orient. Saint Thomas d’Aquin résume ainsi les raisons justifiant la règle de l’orientation : « Il est convenable que nous adorions le visage tourner vers l’Orient premièrement, pour montrer la majesté de Dieu qui est manifesté par le mouvement du ciel qui part de l’Orient, secondement parce que le paradis terrestre a existé en Orient et que nous cherchons à y retourner, troisièmement, parce que le Christ qui est la Lumière du Monde est appelé Orient par le prophète Zaccharie et que d’après Daniel : « Il est monté au ciel à l’Orient », quatrièmement enfin, parce que c’est à l’Orient qu’Il viendra au dernier jour, suivant les paroles de l’évangile de Saint Matthieu : « Comme l’éclair qui part de l’Orient lui d’un seul coup, gagne l’Occident, ainsi sera l’avènement du Fils Homme ».

b) l’attitude mentale :

-          Elle est décrite dans la règle de Saint Benoît : « si, lorsque nous avons une requête à formuler aux puissants de la terre nous ne l’osons faire qu’avec humilité et respect, à plus forte raison faut-il supplier le Seigneur, Dieu de l’Univers en toute humilité et pureté de dévotion ».

-          Origène (Traité de la Prière) précise : « Celui qui se dispose à prier, doit se recueillir et se préparer quelque peu, pour être prompt, plus attentif à l’ensemble de sa prière, il doit même chasser toutes les anxiétés, tous les troubles de sa pensée, s’efforcer de se souvenir de la grandeur de Dieu qu’il approche, songer qu’il est impie de se présenter à Lui sans attention, sans effet avec une sorte de sans gêne : rejeter enfin toutes les pensées étrangères ».

c) l’attitude physique.

-          On prie de préférence soit debout, soit à genoux. (Origène : pour la prière à genoux, elle est nécessaire lorsque quelqu’un s’accuse devant Dieu de ses propres péchés, en le suppliant de le guérir et de l’absoudre. Elle est symbole de soumission »).

-          Mais on peut aussi prier soit assis, soit couché (en cas de maladie ou d’accident).

d) les gestes.

            On prie :

-          Soit les mains jointes (« Je vous Salue Marie »)

-          Soit dans la position de l’orant : les bras levés en V et les paumes vers le haut

-          Soit les mains jointes au dessus de la tête (prières au Saint Esprit)

-          Soit les bras en croix, les paumes ouvertes, le pouce et l’index de chaque main se rejoignant pour former un O (« Notre Père »).

e) la respiration.

-          Elle sera régulière et profonde.

f) la purification préalable.

            Tertullien, Clément d’Alexandrie, rapportent que les premiers chrétiens se lavaient les mains avant chaque prière. Saint Hippolyte le prescrit avant la prière du soir. L’ablution partielle tient lieu d’un bain (l’aspersion aussi).

            Avant de prier il faut donc :

-          Se laver les mains

-          Se passer de l’eau froide sur les lèvres, les yeux, le visage et le front en disant : « purifie, Seigneur, mes mains, les lèvres, mes yeux et mon corps comme Tu as purifié jadis d’un charbon ardent les lèvres d’Isaïe le prophète ».

-          Se rincer la bouche avec de l’eau froide

-          Boire un peu d’eau fraîche

-          Faire trois respirations profondes en disant : « que la sublime essence divine purifie mon être de toute impureté de corps et d’esprit »

-          Brûler un peu d’encens.

4) – Quelles prières ?

            Toutes les prières contenues dans les rituels de l’Ordre, dans les textes religieux de l’Ancien et du Nouveau Testament comme : le Notre Père, le Je Vous salue Marie, la prière Sacerdotale du Christ (Luc XVII 1.26), le Magnificat (Luc I 46.55), le Benedictus (Luc I 68-79), le Nunc Dimittis (Luc II 29.32).  

2ème stade : la prière liturgique.

            La prière passe des limites de la personne dans celles de la collectivité, c'est-à-dire de l’église, assemblée des fidèles.

            La prière liturgique est la prière d’un groupe (l’Eglise).

- formule : elle est cristallisée dans des formes définies, d’où son uniformité et la constance de ses rites.

- drame : composée de paroles, de gestes, d’attitudes, elle exige la participation effective de tous, selon des modalités diverses. Elle contribue à l’édification du Temple mystique.

L’Hésychasme.

            L’hésychasme ou Hézychasme (du grec hesukhia, repos) est une tradition spirituelle dont on retrouve les origines dans les œuvres de certains Pères de l’Eglise (Origène) puis dans celles des Alexandrins de Grégoire de Nysse, d’Evagre et des Pères du désert. Au Vème siècle le Mont Sinaï en fut le centre de diffusion le plus important. L’hésychasme se propagea en Egypte, en Asie Mineure, en Italie du sud, mais ce fut le Mont Athos qui prit le relais du Mont Sinaï.

            L’hésychasme c’est :

  1. La recherche du repos, du silence des mouvements et des pensées (la quiétude)
  2. La suspension de l’activité sensorielle qui rend l’âme et le cœur disponibles pour la contemplation
  3. La contemplation
  4. La purification et la sanctification
  5. Une méthode d’oraison originale : la prière du cœur.

La Prière du Cœur.

            Selon Syméon le Nouveau Théologien, la méthode comporte deux phases :

a) – une phase psychotechnique comprenant :

-          Une discipline respiratoire pour fixer l’attention et pour unifier le mental

-          Une attitude mentale consistant à ramener son esprit dans son cœur pour l’unir à l’âme. Cela se fait en synchronisant l’entrée de l’esprit dans le cœur avec l’inspiration de l’air que l’on ralentit et que l’on espace de manière à finir par lui commander entièrement. L’expiration équivaut à une certaine rémission et dissipation de l’attention. Par le choix d’un lieu tranquille et solitaire (« assieds-toi dans une cellule tranquille, à l’écart, dans un coin, et applique toi à faire ce que je te dis : ferme la porte et élève ton esprit au-dessus de tout objet vain ou passager »).

-          Par la position assise, les yeux clos, le menton calé sur la poitrine, fixant intérieurement le nombril ou le cœur (« puis, appuyant ta barbe contre la poitrine, dirige l’œil du corps, en même temps que ton esprit, sur le centre du ventre, c’est-à-dire sur ton nombril, comprime l’aspiration d’air qui passe par le nez de manière à ne pas respirer à l’aise et scrute mentalement l’intérieur de tes entrailles à la recherche de la place du cœur, là où toutes les puissances de l’âme aiment à fréquenter »).

-          Par une phrase consistant en l’invocation d’un nom. Dans « La Prière de Jésus », on emploie une des formules suivantes :

« Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de moi !

« Seigneur Jésus, ayez pitié de moi !

« Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi !

« Fils de Dieu, aie pitié de moi ! »

Cette seconde phase n’est jamais séparée de la première : elle est soit ordonnée à la suite de la première, soit simultanée à elle. Par ailleurs, il importe que le pratiquant possède en lui la foi, l’humilité, l’amour et l’obéissance au Divin.

Prière et Alchimie spirituelle.

            Il existe une relation étroite entre Prière et Illumination. L’illumination est un reflet de l’oraison. La prière émise par l’homme se réfléchit sur Dieu et revient illuminer celui qui prie.

            Les rites de la prière provoquent la transmutation des éléments psychiques de l’homme. C’est pourquoi elle apparaît comme le principal agent de l’alchimie spirituelle. Cette action de la prière a été souvent mise en relief par la littérature mystique islamique : « la raison suffisante de l’invocation du nom Divin est le souvenir de Dieu qui n’est, en définitive, que la conscience de l’inconditionnel. Le nom invoque et éveille cette conscience. Il s’épanouit dans l’âme et l’affermit dans le cœur. Il pénètre tout entier, le transforme et l’absorbe à la fois ». C’est aussi la raison pour laquelle les Chrétiens affirment que la prière est la clef du Royaume des Cieux. Mais pour devenir agent d’alchimie spirituelle la prière doit inclure des processus relevant de la concentration, de la méditation et de la contemplation.

            Faisons aussi remarquer le rôle de la prière dans l’alchimie véritable. La lecture des œuvres des adeptes de l’art d’Hermès, l’examen de l’iconographie alchimique, nous montrent s’il en était besoin, le rôle important de la prière. Dans ses Douze clefs de la philosophie, Basile VALENTIN précise : « En effet, si le créateur a voulu dispenser la véritable science et sa connaissance non commune, c’est tout au moins à certains qui condamnent le mensonge, qui affectionnent la vérité, la recherchent, désignés pour l’art avec un cœur sensible et qui, avant tout, sans hypocrisie, aiment Dieu, et pour cette raison le prient ».